À cette époque marquée par un embargo international cruel et par ces mêmes troubles politiques qui tuent encore le pays, l’attention était surtout retenue par le Mizik Mizik et le Sweet Micky qui s’affrontaient dans une polémique vieille seulement d’une année. À leur côté, évoluait un autre ténor, le Digital Express qui aura fourni la meilleure prestation du carnaval. On comptait aussi d’autres groupes, moins quottés certes, mais qui avait tout de même leurs lots de fans. Des groupes tels Fasad, T-Vice…
Avec une méringue n’ayant pas été très diffusée (en tout cas pas trop appréciée), La formation Djakout Mizik devait mettre les bouchées doubles pour se faire une place sur le devant de la scène. Ce fut fait, et en grande partie grâce à Gracia Delva.
Ce dernier se fit pour devoir de taquiner la plupart des autres formations(sinon toutes). Je fredonne encore cet air sur lequel sa belle voix, rappelant étrangement celui d’un chanteur de l’ancienne génération (Ti Kit), harcelait avec malice :
Yo pa gen kòn, yo di yo se towo
Yo pa lapli, y’ape farinen
Yo pa menm ka kanpe, Y’ape depoze
Yo tou Piti, yo se “Full Power”
Chacune de ses phrases visait clairement un groupe en particulier. La première attaquait Sweet Micky qui cette année là se comparait à un taureau. La deuxième faisait référence au slogan principal du Mizik Mizik. La troisième s’adressait à T-Vice et la dernière au groupe Fasad. Il aurait même été le principal responsable d’une altercation qui aura entraîné plus tard une polémique entre le Djakout et T-Vice.
Avant de rejoindre la bande à Ti-Claude Marcelin, ancien guitariste des Difficiles et du D.P. Express, Gracia était membre du groupe de Loulou Roy, GéroStar, fondé entre 1989 et 1990, et qui répétait à la Rue de la Réunion au local de Géro Réfrigération.
Au cours des soirées animées par le Djakout Mizik après le Carnaval 1993, Gracia Delva semblait confirmer qu’il était un chanteur peu ordinaire et il n’y eut plus de doute en 1995 avec la méringue « Sou do ».
Mais, le parcours du chanteur n’a pas été très calme.
Il surprit tout le monde (même les musiciens du Dajkout Mizik), lorsqu’un beau matin on apprenait qu’il avait mis les voiles pour les Etats-Unis. D’après les rumeurs : Il aurait été déçu par le groupe qui tardait à mettre sur le marché un album (Dakout Mizik n’avait à date qu’un composition vidéo-clipée, « Glise »). Il fut remplacé dans le groupe par Pouchon Duverger qui dut rechanter la méringue 1996 (Kapote) pourtant déjà enregistrée. Le groupe ne perdit rien de sa popularité. Gracia se fit oublier.
Gracia, cependant réapparaissait avec le groupe Zenglen de Brutus, sur un Album «Easy Konpa», appelé aussi « Tempo ». C’était évident, la voix n’avait pas changée. Le chanteur était intact. Mais le public ne réagit pas comme on l’aurait attendu et même la tournée du groupe au pays passait inaperçue.
Avec le deuxième Album « 5 continents » le groupe Zenglen prenait son envol et pour Gracia, ce fut la consécration. Il attirait la grande foule et se fit un nombre incalculable de fans. Lors de la seconde tournée du groupe, il y aurait même eut des gens à s’évanouir d’extase, chose peu commune dans notre Haïti Chérie.
La gloire ne dura que 3 ans pour le chanteur. En 2003, il dut abandonner son groupe et rentrer en Haïti sous pression de l’immigration américaine pour avoir frappé sa compagne. Cela lui vaut également une taquinerie dans une méringue carnavalesque du groupe Nu Look, le traitant de « Ti Nèg vyolan ».
De retour au pays, donc, Gracia présenta, en 2004, une méringue comme artiste solo. Il monta en suite son propre groupe Mass Konpa (ancien Slogan du groupe Djakout Mizik à l’époque ou Gracia en était le chanteur) dans lequel il évolue encore et avec lequel il signa un Album et composa 3 méringues dont 2 en 2006.
Il s’est dernièrement réconcilié avec Jean Richard Hérard (Ritchie), batteur du groupe Zenglen. Les deux musiciens s’étaient brouillés sans que l’on sache trop pourquoi. Et il est bruit que la musique «Superstar Maker » du dernier Album de Ritchie (Le Konpa) était à l’adresse de Gracia.
Certes, Delva Gracia est l’un des chanteurs les plus médiatisés de sa génération. Potentiellement, il est également l’un des plus talentueux, avec sa voix qui ne peut qu’attirer les oreilles musicales.
Cependant, il n’est pas certain que l’histoire de la musique retienne ce nom parmi les Emmanuel Jean-Baptiste (TiManno), Max Badette, Roger M. Eugène (Shoubou), Jean Élie Telfort, Jean Michel St-Victor (Zouzoul)…et autres grands noms du Compas.
En effet, Gracia Delva n’a pas chanté assez de texte qui fasse rêver ou réfléchir…qui fasse vibrer l’âme (Lanmou pa konn dyaspora est une exception). Et s’il lui reste encore du temps pour combler ce vide, notre chanteur de petite taille (certain le traite de Ti boutèy Malta) semble plus intéressé à soigner ses bizarres coupes de cheveux qu’à s’appliquer au chant.
Tilou
29 mai 2006